Et si c'était vrai...
En résumé:
Arthur habite dans l'appartement de Lauren, puisque la jeune femme est dans le coma depuis un certain temps. Seulement un soir il la découvre dans son placard, sans savoir que c'est elle. Il s'agit en fait de l'esprit de Lauren, et Arthur et le seul à pouvoir la voir et l'entendre. Lauren va bientôt être débranchée, car elle est dans un coma pratiquement irréversible, mais Arthur va tenter de la sauver avec son ami Paul. (Ils sont architectes à l'origine.) Lauren a été médecin. Pour la sauver, Arthur va enlever son corps...
[ Arthur vient d'avoir une petite altercation avec une infirmière. ]
Je vais chercher le brancard, dit Paul pour mettre un terme à leur altercation. Je vous rejoins là-haut, docteur!
Elle proposa de les aider du bout des lèvres, Arthur déclina son assistance, lui demandant de sortir le dossier de Lauren et de le déposer avec les autres papiers dans l'ambulance.
-Le dossier reste ici, il sera transféré par voie postale, vous devriez le savoir, dit-elle.
Elle eut soudain une hésitation.
-Je le sais, mademoiselle, répondit promptement Arthur, je ne parle que de son dernier bilan, constantes, numérations, gaz du sang, NFS, chimie, hématocrites.
-Tu te démerde rudement bien, souffla Lauren, où as-tu appris tout ça ?
-J'ai regardé la télé, chuchota-t-il.
Il pourrait consulter ce rapport dans la chambre, elle proposa de l'accompagner. Arthur l'en remercia et l'invita à finir son service à l'heure prévue, il se débrouillerait sans elle. Nous étions un dimanche, elle avait bien mérité son repos. Paul, qui était à peine revenu avec le brancard, pris son acolyte par le bras et l'engagea promptement dans le couloir. L'ascenseur les hissa tous les trois au cinquième étage. Les portes venaient de s'ouvrir sur le palier lorsqu'il s'adressa à Lauren :
-Cela se passe plutôt bien pour l'instant.
-Oui, répondirent en cœur Lauren et Paul.
-Tu me parlais à moi ? questionna Paul.
-A vous deux.
D'une pièce, surgit en trombe un jeune externe. Arrivé à leur hauteur, il arrêta sa course nette, regarda la blouse d'Arthur et le saisit par les épaules. « Vous êtes médecin ? » Arthur fut surpris.
-Non, enfin oui, oui, pourquoi ?
-Suivez-moi, j'ai un problème à la 508, Seigneur que vous tombez bien !
L'étudiant en médecine repartit en courant vers la chambre d'où il venait.
-Qu'est-ce qu'on fait ? demanda Arthur paniqué.
-C'est à moi que tu demandes ça, répondit Paul tout aussi terrorisé.
-Non, c'est à Lauren !
-On y va, on n'a pas le choix, je vais t'aider, lui dit-elle.
-on y va, on n'a pas le choix, reprit Arthur à voix haute.
Comment ça, on y va ? Tu n'es pas toubib, tu vas peut-être arrêter ton délire avant qu'on ne tue quelqu'un !
-Elle va nous aider.
-Ah, si elle nous aide ! dit Paul en levant les bras au ciel. Mais pourquoi moi ? Pourquoi moi ?
Ils entrèrent tous les trois dans la 508. L'externe était au chevet du lit, une infirmière l'attendait, il s'adressa paniqué à Arthur :
-Il s'est mit en arythmie cardiaque, c'est un grand diabétique, je n'arrive pas à le rétablir, je ne suis qu'en troisième année.
Ça doit lui faire une belle jambe ça, dit Paul.
Lauren souffla à l'oreille d'Arthur :
-Arrache la bande de papier qui sort du moniteur cardiaque, et consulte la de façon à ce que je puisse la lire.
-Mettez moi de la lumière dans cette pièce, dit Arthur d'un ton autoritaire.
Il se dirigea de l'autre côté du lit et arracha d'un geste le tracé de l'électrocardiogramme. il le déroula largement et se retourna en murmurant : « Tu le vois, là ? »
-C'est une arythmie ventriculaire, il est nul !
Arthur répéta mot pour mot :
-C'est une arythmie ventriculaire, vous êtes nul !
Paul roula des yeux en passant sa main sur son front.
-Je vois bien que c'est une arythmie ventriculaire, docteur, mais qu'est-ce qu'on fait ?
-Non, vous ne voyez rien, vous êtes nul ! Qu'est-ce qu'on fait ? reprit Arthur.
-On lui demande ce qu'il a déjà injecté, dit Lauren.
-Qu'est-ce que vous avez déjà injecté ?
-Rien !
L'infirmière avait parlé d'un ton hautain qui traduisait à quel point elle était exaspérée par l'externe.
-On est en situation de panique, docteur !
-Vous êtes nul ! reprit Arthur, alors, qu'est-ce qu'on fait ?
-Putain, on ne lui donne pas un cours, parce que le mec est en train de virer tout gris, mon pote, enfin docteur !
-Saint Quentin (importante prison de l'Etat de Californie située dans la baie de San Francisco.), on va direct à Saint Quentin ! Paul trépignait.
-Clamez-vous, mon vieux, dit Arthur à Paul, puis se retournant vers l'infirmière : Excusez-le, il est nouveau, mais c'était le seul brancardier disponible.
-Néphrine, en injection deux milligrammes, et on pose une voie centrale, et là, ça va se corser, mon cœur ! dit Lauren.
-Néphrine en injection deux milligrammes, s'exclama Arthur.
-Il était temps, je l'avait préparée, docteur, dit l'infirmière, j'attendais que quelqu'un prenne les choses en main.
-Et ensuite on pose une voie centrale, annonça-t-il, d'un ton mi-interrogatif, mi-affirmatif. Vous savez poser une voie centrale ? demanda-t-il à l'externe.
-Fais-la poser par l'infirmière, elle va être folle de joie, les toubibs ne les laissent jamais le faire, dit Lauren avant que l'externe ne réponde.
-Je n'en ai jamais posé, dit l'externe.
-Mademoiselle, vous poserez la voie centrale !
-Non, allez-y, docteur, j'adorerais mais on n'a pas le temps, je vous la prépare, merci de votre confiance en tout cas, j'y suis très sensible.
L'infirmière se rendit à l'autre bout de la pièce pour préparer l'aiguille et le tube.
-Je fais quoi maintenant, dit Arthur paniqué à voix feutrée.
-On s'en va d'ici, répondit Paul, tu ne vas pas poser de voie centrale, ni latérale, ni rien du tout, on se taille en courant, mon pote !
Lauren reprit :
-Tu vas te placer devant lui, tu viseras à deux doigts sous son sternum, tu sais ce qu'est le sternum ! Je te guiderai si tu n'es pas au bon endroit, tu présentes ton aiguille inclinée à quinze degrés, et tu enfonces progressivement mais fermement. Si tu as réussi, un liquide blanchâtre va s'écouler, si tu rates c'est du sang. Et tu pries pour avoir la chance du débutant parce que sinon on est dans la merde, nous et le type qui est allongé.
-Je ne peux pas faire ça ! murmura-t-il.
-Tu n'as pas le choix et lui non plus, il va y passer si tu ne le fais pas.
-tu m'as appelé mon cœur ou j'ai rêvé ?
Lauren sourit : « Vas-y et respire un bon coup avant d'enfoncer. » L'infirmière revint vers eux et présenta la voie centrale à Arthur. « Saisis-la par le bout en plastique, bonne chance ! » Arthur présenta l'aiguille là ou Lauren le lui avait indiqué. L'infirmière le regardait attentivement. « Parfait, murmura Lauren, incline un peu moins, vas-y d'un seul geste maintenant. » L'aiguille s'enfonça dans le thorax du patient. « Arrête-toi, retourne le petit robinet sur le côté du tuyau. » Arthur s'exécuta. Un fluide opaque commença à s'écouler par le tube. « Bravo, tu t'y ai pris de main de maître, dit-elle, tu viens de le sauver. »
Paul, qui avait faillit perdre connaissance par deux fois, n'en finissait pas de répéter à voix basse « Je ne peux pas le croire. » Libéré du liquide qui l'écrasait, le cœur du diabétique reprit un rythme normal. L'infirmière remercia Arthur. « Je vais m'en occuper maintenant », dit-elle. Arthur et Paul la saluèrent et ressortirent dans le couloir. En quittant la pièce, Paul ne put s'empêcher de repasser la tête par la porte, et de lancer à l'externe : « Vous êtes nul ! ».
-Là, tu viens de me faire une frayeur !
-Elle m'a aidé, elle m'a tout soufflé, murmura-t-il.
Paul hocha la tête : « Je vais me réveiller et quand je te téléphonerai pour te raconter le cauchemar que je suis en train de faire, tu vas rire, tu ne peux même pas imaginer ce que tu vas rire et te moquer de moi ! »
-Viens, Paul, on n'a pas de temps à perdre, enchaîna Arthur.
Ils entrèrent tous les trois dans la salle 505. Arthur appuya sur l'interrupteur, et les néons se mirent à vibrer. il s'approcha du lit.
-Aide-moi, dit-il à Paul.
-C'est elle ?
-Non, c'est le type à côté ; bien sûr que c'est elle ! Approche le brancard le long du lit.
-Tu as fait ça toute ta vie ?
-Voilà, passe tes mains sous ses genoux, et fais attention à la perfusion. A trois on la soulève. Trois !
Le corps de Lauren fut placé sur le brancard roulant. Arthur replia les couvertures sur elle, décrocha le bocal de la perfusion et le raccrocha à la patère au-dessus de sa tête.
-Phase 1 achevée, maintenant on redescend vite amis sans précipitation.
-Oui, docteur ! répondit Paul d'un ton agacé.
-Vous vous débrouillez très bien tous les deux, murmura Lauren.
Ils retournèrent vers l'ascenseur.
[ Marc Levy, Et si c'était vrai... ]